Arnaud Maïsetti

Arnaud MaïsettiSpeyer en Allemagne d’abord, puis Arras, Verdun, Compiègne, Senlis, Thionville, Rennes, Paris (2ème), Pau, Bordeaux, Paris (13ème), Aix-en-Provence – Marseille, désormais.

Les villes ne suffisent pas à dire ce qu’une vie doit à ce qui l’emporte – les autres villes traversées, intérieures.

2001. La découverte de Paris à la fin de l’adolescence est celle de l’écriture – une façon de cartographier en soi les territoires impossibles pour mieux les désirer : en quelques mois, amasser ce qu’il faut pour le dire, toute une vie.

2004. Lecture essoufflée de Bataille, de Blanchot. J’envoie à Julien Gracq un texte sur son récit, La presqu’île. Sa réponse sera un talisman.

2006. Ouverture d’un travail sur Bernard-Marie Koltès : mémoire universitaire pour prétexte à lever en moi ce qui appelle. Désir porté depuis la déflagration d’un spectacle rencontré au hasard en 1999, et qui continue de brûler.

L’été même, ouverture d’un blog : contretemps (http://www.arnaud-maisetti.blogspot.fr) – le net comme anfractuosité du réel, une porte battante.

2007. Toute cette année, tenir le journal d’une seule nuit, ses voix recueillies dans le bloc noir d’une chambre à la fenêtre ouverte sur le dehors d’où je vois toute la ville : d’ailleurs, je suis à la dictée.

2008. Parution du texte dans la collection Déplacements que dirige François Bon aux éditions du Seuil : « Où que je sois encore…

De 2009 à 2012, travail d’écriture autour de celle de Koltès. La thèse portera sur l’écriture du récit dans son œuvre, sera soutenue à Paris Diderot, et donnera lieu à une réécriture qui proposera une biographie de l’auteur, à paraître au Seuil, à l’automne.

Ces années, les éditions numériques publie.net accueillent plusieurs courts textes : Anticipations (nouvelles, 2009), La Mancha (texte sur des photos du plasticien Jérémy Liron – paru d’abord chez La Nuit Myrtide, 2010), Affrontements (récit, 2012).

2012, puisque le théâtre appelle. Écriture d’une première pièce : c’est une phrase de Bossuet qui rêve autour du Livre Job et c’est le début d’une chanson de Bob Dylan ; c’est aussi se perdre loin en soi. Les Tombeaux sont appelés des solitudes sera retenue par le comité de lecture du Théâtre National de Strasbourg, qui en proposera une lecture par les comédiens du TNS, en février 2013.

À cette date, accompagnement de la compagnie de théâtre La Controverse : dramaturgie auprès du metteur en scène Jérémie Scheidler pour un spectacle autour de L’Été 80, de Marguerite Duras – Un seul été est créée en 2014 à Toulouse, jouée au théâtre de Vanves, à Aix-en-Provence, bientôt à Vandœuvre. Rendez-vous pris pour d’autres projets, ensemble.

Depuis 2014, enseigne les arts de la scène à l’université Aix-Marseille ; puisque l’écriture est une recherche, initie un travail théorique et critique sur le théâtre contemporain et son inscription dans l’histoire, sa faculté politique à lever en nous le courage de ne pas s’en tenir là, l’arrachement lyrique qui nous permet de reprendre possession de notre histoire. Les écritures de Gabily, Müller, Niangouna ; le plateau de Warlikowski, Lupa, Ostermeier, du Radeau.

Ce qui donne sens à ces recherches est ce qui fraie en soi les déchirures et les renouements, dans l’écriture donc, au théâtre ou dans le récit, sur le net – depuis 2009, le blog est devenu un site (www.arnaudmaisetti.net/spip), l’atelier permanent et livre écrit dans le désœuvrement consenti à toute forme pouvant toutes les contenir et traverser –, ailleurs peut-être, ici pourquoi pas ? Partout où s’inventer, croire qu’une vie peut s’écrire, et déposer dans cette croyance ce qui la blasphème ; et puis, savoir que là où cesse l’écriture commence l’essentiel de ce qui peut se vivre, que l’écriture a intensifié, rendu plus vif encore et comme dans la soif ce que la soif n’apaise pas, qu’on appellerait cela la beauté des choses secrètes, convulsives et patientes, ou l’amour.

 

Les filles perdues

La pièce est née d’un passage, il y a quelques années, à Cadillac près de Bordeaux dans un château du XVIIe s. qui fut autrefois une prison pour jeunes filles — prison qu’une nuit de 1928 elles brûlèrent et dont il ne reste rien que les murs, et des entailles, sur le sol, de leurs lits, qu’on devine par centaines entassés là. J’ignore ce qui s’est passé, cette nuit là, et peut-être est-ce à cause de mon ignorance que j’ai eu le désir d’écrire cette pièce et de rêver ces jeunes filles ; ou pour les entailles sur le sol. Peut-être aussi parce que ce rêve est celui d’un théâtre, levé pour qu’on lui échappe, et rejoigne ce qui dehors appelle. Il y a aussi ce silence qu’on imposait à ces filles — écrire pour leur rendre la parole. Il y a cette folie qu’on enferme alors qu’elle est la vie même. Il y a cet endroit qui est comme une allégorie de ce monde-ci, des murs levés pour protéger la faute, ces murs qu’on dresse en soi : alors qu’il n’y a pas de faute. Seulement la beauté de certaines forces vitales dont chacune des filles est une image, une possibilité, un désir.

L’Histoire est donc vraie, elle l’est toujours. Puisqu’on ne sait rien de la nuit de 1928, il a bien fallu l’inventer. La voici.