J’ai été formée dans plusieurs écoles à Paris, avec Sophie Lagier, Frédérique Farina, Jean- Louis Bihoreau, François Ha-Van, Delphine Eliet, Clémence Larsimon, Christophe Patty, et d’autres que je ne citerai pas ça n’a pas collé. J’ai joué en tant que comédienne d’abord dans plusieurs régions de France, mais principalement dans la région parisienne. J’ai écrit ma première pièce Braquage après les années 2010, c’était déjà la crise, j’étais vendeuse de chaussures de sports collectifs, de matériel d’équitation et de pêche. J’ai beaucoup compté les vers de farine, les vers de sable, les vers noirs, les asticots dans le frigo. Un jour j’ai chopé un type qui les mettait dans sa poche, je lui ai demandé de les remettre immédiatement dans leur boîte. Quand on les oubliait ça devenait des mouches, j’ouvrais le couvercle, elles envahissaient le magasin de sport. Quand j’ai mis en scène Braquage j’ai créé ma compagnie : UV-Les Utopies Variables. Aujourd’hui elle se mutualise on pourrait appeler ça un groupe. À la Tempête, j’ai assisté à la mise en scène Paula Guisti sur le Révizor de Gogol, c’était encore pendant la crise, j’ai changé au moins dix fois de partenaires depuis. Aujourd’hui je suis en Master 2 de création littéraire à l’université de Cergy Pontoise, et parfois à l’école Nationale supérieure d’arts de Paris Cergy, juste à côté des 3 fontaines, là- bas ça claque on dit « Les 3 F ». J’y rencontre François Bon, Stéphane Bouquet, Jean-Simon DesRochers, Patrick Goujon ou encore Jean-Luc Raharimanana. À Paris je vais parfois au CRTH, j’y rencontre Bruno Allain.
LE TIGRE DU BENGALE
JEUDI 4 MAI 2017 – 20H15 – THÉÂTRE LA VIGNETTE
C’est l’histoire de Louise enceinte de Henri qui n’est pas au courant. Avec Pierre et Christine ils forment un groupe de tout jeunes activistes masqués nommé Le Tigre. Sous la forme d’une cérémonie symbolique sérieuse, ils initient Caroline la nouvelle et dernière recrue du groupe. L’affaire prend des allures de contestations quant au sens véritable des mots, de la forme et de l’organisation du groupe. On nous révèle le secret de l’éternité, le sens caché du roi lion grâce au concept d’interdépendance, et la culpabilité de l’emmental.
Note d’Autrice
Le 14 Octobre 2011 vers 10 heures, une femme est sortie d’un bâtiment du lycée Jean-Moulin avec un bidon d’essence – pas plus gros que ça – qu’elle a dévissé, qu’elle a renversé sur elle. Elle a pris une allumette qu’elle a craquée, qui s’est éteinte. Elle en a pris une deuxième qu’elle a craquée, qui s’est enflammée et elle s’est mis le feu. On aurait dit une immense torche, en quelques secondes, tout est parti en fumée comme ça de bout en bout, les cheveux, le visage, les vêtements dans la peau du corps.
Ça n’a pas arrêté de crier, des cris de tête et elle des paroles « c’est pour vous », « c’est pour vous ». Il y en a qui ont bien essayé de l’éteindre et avec l’extincteur, elle s’est écroulée. Un tas tout blanc dans la terre toute noire et les yeux partout et les visages défaits et puis les pompiers. La femme au bidon d’essence a disparu laissant derrière elle une phrase et l’image fixe. Deux semaines après elle est morte. Ce geste violent est resté sans explication.
De là a jailli une série d’interrogations. Quel sens donner à ce geste réalisé devant des yeux d’adolescents ? Qu’est ce qu’on donne à voir ? Que signifie cette parole « c’est pour vous » ? Quel regard porter ? C’est quoi la jeunesse d’aujourd’hui ? C’est quoi le monde aujourd’hui ? Que reste-t-il dans leurs yeux ?
Ce 14 Octobre autant que ce 7 Janvier, ce 13 Novembre et toute la série d’évènements qui nous bouleversent aujourd’hui, traduit l’état actuel du monde. Aujourd’hui c’est la crise. Partout c’est la crise, le monde va mal, tout va mal, il n’y a qu’à voir les titres, les chiffres, les statistiques, la terre brûle, la nature est fatiguée, la planète s’éteint, l’Animal meurt. C’est la crise dans le cœur, consciente, exprimée, d’une jeunesse blessée, désespérée.
Que faire d’un tel constat ? Je ne cherche pas à expliquer ce geste mais plutôt de partir de lui, d’en chercher une substance, une vision. J’entends ce « c’est pour vous » comme un rugissement, un appel propagé à l’infini. Une volonté protestataire, indignée. Alors la nécessaire prise de parole de ce « vous ». « Vous » les jeunes, « vous » nous, « vous » l’animal, « vous » la terre, « vous » le vivant.
La femme au bidon d’essence est ainsi devenue Le Tigre du Bengale, un symbole de puissance, de courage, de détermination, de protection, d’initiation, de liberté, d’espoir, d’imprévisibilité.
Le Tigre inspire autant pour ce qu’il représente réellement – un animal discret, en voie de disparition, qui lutte pour sa survie – que pour ce qu’il incarne spirituellement – dans les contes, légendes, bouddhistes, asiatiques – félin à âme humaine, monstre de l’obscurité et de la nouvelle lune, gardien de la forêt lié aux esprits, il s’introduit dans les rêves comme porteur d’un message.
Le Tigre c’est l’histoire de 5 jeunes qui s’initient à la vie, qui cherchent une manière collective de s’engager.
La notion d’engagement a bien des définitions, sa portée est autant politique que sociale. Pour moi elle évoque un état universel, celui du passage à l’adulte. Un engagement dans la vie, dans la responsabilité et dans les choix qu’elle impose à chacun. Un engagement dans le collectif au sens de la communauté obéissant à des règles précises, mais aussi dans le personnel, au sens de l’intime, de la réalisation de soi, des fondamentaux qu’on se forge individuellement. Il n’est pas question de le structurer dans un cadre chiffré – celui de l’âge – qui ne le définit en rien mais d’en puiser une inspiration.
En effet, plus qu’un chiffre, il s’agit d’un cycle impliquant remise en cause, critique et créativité dans un contexte aussi bien général que particulier.
Aborder ce thème est pour moi un acte actif pour ne pas dire politique. Aujourd’hui il est essentiel de se pencher sur la notion de la responsabilité collective et individuelle d’un monde en perdition, d’une jeunesse laissée pour compte. Mon engagement est de faire entendre ces voix, donner à voir ces jeunes qui tentent d’initier quelque chose –
d’autres contours, d’autres perspectives sociétales – même maladroitement, même naïvement, bourrés de bonnes idées même inconscientes, et d’une poésie insoupçonnée, ils appellent à la joie, au rêve, à la dérision, et à la créativité.