Programmation TEC 20

Lundi 23 novembre 2020 | 19h
Bulle sonore #1 en ligne

AYRTON de Pauline Picot
Pauline, jeune femme de 28 ans, ne quitte plus son casque jaune à bandes bleues en hommage à Ayrton Senna, Champion de Formule 1 décédé en 1994 sur le circuit d’Imola en Italie. Deux parcours de solitude s’écrivent dès lors en écho, comme dans un miroir éclaté.

NOTE D’INTENTION
Je ne l’ai jamais vu courir. Je ne l’ai jamais vu mourir. Je n’ai rien vu en direct. Je n’ai vu que des images. Je n’ai lu que des textes. Je n’ai jamais touché sa combinaison. Je n’ai jamais touché sa main. Je ne suis jamais allée à un Grand Prix. Je n’ai rien en commun avec Ayrton Senna. Je suis une femme, je ne suis pas pilote et surtout, je suis vivante. Je n’ai rien en commun, non plus, avec la Formule 1. Mais cet homme et ce sport font résonner en moi des questionnements qui me semblent importants : l’impératif de performance, d’intensité, de vitesse dans nos vies / la solitude / l’argent / le rapport difficile au quotidien / à l’enfantement / à Dieu. Je suis amoureuse des morts ; j’ai déjà écrit sur Ian Curtis, chanteur de Joy Division suicidé en 1980. Indépendamment de cette démarche, mais comme sur l’autre face d’une pièce, je m’attaque aujourd’hui à Senna que je dévore et incorpore.


Mardi 24 novembre 2020 | 19h
Bulle sonore #2 en ligne

CRIER DANS LE DÉSERT d’Erickson Jeudy
Sonson rentre de Paris quelques mois après la mort de sa mère, victime d’un massacre à La Saline, « zone-de-non-droit » (ou plutôt mise en quarantaine) de Port-au-Prince. Il entreprend une discussion avec sa sœur Donie vivant seule à La Saline avec le corps de leur mère sous terre dans une des pièces de la maison. Sonson confesse à sa défunte mère sa déception du monde et essaie aussi de concevoir avec sa sœur une réponse collective face à la situation.

NOTE D’INTENTION
Que faire de l’horreur ? La décrire ? La taire ? La bruire ? Ou lui céder la parole ? Ce texte (en cours), « crier dans le désert » expose une cacophonie, celle de plusieurs voix qui bruissent en deux personnages. Les voix de personnes tuées, naufragées, violées, mises en quarantaine par la violence, gaza, Port-au-Prince… C’est une invitation à prêter l’oreille à la terreur, de dresser une contre-voix, de poser un geste de réponse collective.


Mercredi 25 novembre 2020 | 19h Bulle sonore #3 en ligne

NUNUCHE UNDERGROUND de Laure Poudevigne
À cause d’un garçon, et aussi au sujet tout bête et très banal d’une fête d’adolescents annulée, et même au sujet très trivial et anecdotique d’un recueil de Richard Brautigan emprunté au CDI, une fille, Rose, s’enfonce dans une aventure égarée comme un thriller chevaleresque, un road movie psychanalytique, un règlement de comptes avec revenants, armes et poète, et pour guide un alter ego qui, lui, est venu pour l’occasion.

NOTE D’INTENTION
Nunuche Underground, c’est l’histoire qui arrive à une fille, Rose. Rose, comme son nom délicate, jetée en pâture à ses parents, ses professeurs, ses camarades, sa grand-mère, à Mickael son meilleur ami, à l’employé d’Intermarché même, aux regards anxieux, amoureux, brutaux, cliniques, tous rivés sur elle, sur son comportement à elle, rapport, comme qui dirait délicatement, à ses petits soucis. Que personne n’ait vraiment l’air très en forme dans cet entourage vaguement dysfonctionnel n’y change rien : c’est Rose qui est vraiment allumée dit-on, et d’ailleurs elle se trouve à l’âge où on nous souhaite de l’être, où on nous souhaite d’être anorexique, suicidaire, psychotique, en tous cas d’aller très mal, à savoir l’adolescence. Et donc, Rose ricoche avec un certain fatalisme de regards en regards, tandis qu’il en manque un, et c’est là qu’est le nœud on peut dire de l’histoire : il manque le regard du Garçon. Le Garçon à côté d’elle en bio, mais qui ne l’a jamais vue. Dans le vide bavard et confus que tous les autres laissent autour d’elle, Rose n’a que cet amour en tête. C’est peut-être pour ça qu’un jour surgit une étonnante et gracieuse personne dans l’existence de Rose, pour l’aider à l’amour, et mettre, il est grand temps, les comptes à jour, quitte à salir un peu ses mains aux catacombes de l’âme. Et Rose va suivre cet alter ego providentiel jusque très loin, emportant dans ce sillon fantasque tous les autres. Nunuche Underground, c’est l’histoire simple et égarée qui arrive à une fille, Rose, et aux gens autour, engouffrés dans un monde contrasté, où les non vivants côtoient les vivants, les présences les absences, où l’on joue le trivial avec le sublime, la bluette avec le polar, où la chimère à l’occasion se confond avec le réel.


Jeudi 26 novembre 2020 | 19h
Bulle sonore #4 en ligne

KINTSUGI de Marion Guilloux
Deux sœurs, Petite-Grande et Grande-Grande, se retrouvent chez leurs parents pour les confronter à une vérité douloureuse.
Passées les premières banalités sur l’aspect médiocre de leurs vies respectives, la plus jeune décide d’ouvrir la discussion et se heurte à la censure des uns, à l’incompréhension des autres et tente malgré tout d’ouvrir le chemin d’une acceptation commune.
Qui des enfants ou des adultes réussiront à reprendre les rênes de cette terrible vérité ?

NOTE D’INTENTION
Ce texte parle donc d’une famille entravée par un secret, douloureux et qui tarde à cicatriser.
Les plaies restent à vifs parce qu’aucun mot n’est posé sur les endroits de contusion.
Deux soeurs, la Grande-Grande et la Petite-Grande se retrouvent chez leurs parents
La Mère-Fatiguée et le Père-Malade, pour faire exister cette parole, cet endroit de la réunification et de la compréhension, elles veulent créer le fil d’or qui les apaisera.
Dans la culture japonaise, le Kintsugi est une méthode de réparation de porcelaines ou de céramiques brisées que l’on saupoudre de poudre d’or.
D’un point de vue plus philosophique, il est une manière d’honorer ce qui nous a meurtris, de dépasser la blessure originelle pour en faire un autre objet, ici une oeuvre.
Ces fines rainures d’or dans l’objet, deviennent alors des chemins tracés pour aller vers d’autres alternatives : celui du pardon, de la résilience et peut-être au bout du chemin, une renaissance ?


Vendredi 27 novembre 2020 | 19h
Bulle sonore #5 en ligne

En partenariat avec la Maison Antoine Vitez, texte en cours de traduction
LA FEMME DANS LA FORÊT de Julia Haenni, traduit de l’allemand par Katharina Stalder
En fait, c’était un jour comme tous les autres. Sauf que la femme constate ce matin que le lapin a disparu, et qu’elle ne trouve plus le bip de sa voiture. Mais tout se détraque ce jour-là. Bien vite, la ville est envahie par des centaines de femmes qui bloquent la circulation et se battent en voulant acheter des croissants. Elle s’enfuit dans la forêt, mais bien vite, elle voit que toutes les femmes sont de nouveau là…

NOTE D’INTENTION
C’est une pièce chorale – partition parlée – pour au moins cinq, mais si possible dix ou même beaucoup plus de femmes. Les identités et réalités sont interchangeables – une femme est toutes les femmes. Elle se parle à elle-même, elles se parlent entre elles, s’engueulent, s’encouragent et discutent, elles observent la femme de l’extérieur, comme une expérience in vivo. L’autrice crée volontairement – et de manière militante – des rôles pour des comédiennes ; ce qui est encore suffisamment rare pour être souligné. Mais ce n’est pas une pièce « militante » ou à thème, où l’intention politique empêche la forme artistique de se déployer. Et malgré l’importance de la forme (répliques courtes à très courtes, à distribuer parmi les comédiennes, puis deux blocs de parole dense), il y a une histoire – onirique, à cheval entre le rêve (ou plutôt le cauchemar) et la réalité – qui se raconte et avance inexorablement, toujours avec ironie et humour. La narration avance comme par spirales, dans cette écriture, très travaillée et parfaitement maîtrisée, s’interlacent des motifs banals divers (la disparition du lapin, le bip de la voiture égaré, des croissants à acheter, les « to-do »-listes, la météo, la rage de dents et le réparateur de chaudière) qui, peu à peu, prennent de proportions énormes, menaçantes. La fiction dérape – on ne sait jamais vraiment ce qui s’est réellement passé, quelle est la part du rêve ou de la réalité, les différents niveaux, temporels, de point de vue, d’identité, s’imbriquent – mais la construction de la pièce tient bon, aucun des leitmotifs n’est perdu en route. Ce qui a commencé comme un plan rapproché sur une femme dans son intérieur s’ouvre en gros plan sur la ville, puis la forêt et finalement le monde, sur une possible révolte pacifique, avec cette image d’empuissancement des femmes, toutes les femmes : « Et partout où nous passons, encore des femmes, des femmes bourdonnantes. Toutes, elles nous rejoignent. Un grand fleuve. Toutes nous rejoignent. »

Equipe de lecture
Cyril Amiot, Hélène De Bissy, Benjamin Duc, Mathilde Jaillette, Dag Jeanneret, Sylvère Santin, Anne-Juliette Vassort, Marie Vires

Equipe technique
Cristobal Desconnets, Adrien Reyne (Salut salut internet)


Co-organisateurs
Lionel Navarro, Sylvère Santin, Gabrielle Baille